Page:Lavalley - Légendes normandes, 1867.djvu/259

Cette page n’a pas encore été corrigée

et rien n’est plus merveilleux que leur aptitude à deviner les choses les plus impénétrables, pour peu qu’il s’y mêle de l’amour ou tout autre sentiment délicat. Elle n’eut pas plus tôt entendu les premiers mots de la confidence que, sans s’inquiéter de la détermination que prendrait son mari, elle courut rapidement vers la maison. Elle monta à sa chambre, ouvrit son armoire, compta dix écus dans sa main et redescendit quatre à quatre les marches de l’escalier. Son visage, si coloré d’ordinaire, était presque pâle et ses lèvres tremblaient. Élisabeth était toujours assise sur le banc de pierre et pleurait. Maîtresse Gilles s’approcha de la jeune fille, dont elle écarta brusquement les mains, et lui jeta les pièces de monnaie sur les genoux.

— Voyez, dit la fermière, s’il y a bien dix écus. Je ne vous dois que onze mois ; mais je vous paie l’année entière, afin d’être débarrassée plus tôt de vous.

— Vous me mettez à la porte ? dit Élisabeth.

— Ça me paraît clair.

— Vous êtes mécontente de moi ? Je ne travaille pas assez ?

— Il s’agit bien de cela ! s’écria maîtresse Gilles avec indignation.