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La recommandation n’était pas inutile ; car maître Gilles et son fils restaient immobiles et silencieux.

Chez le fermier, c’était stupéfaction, étourdissement, timidité et habitude de supporter sans se plaindre les orages domestiques ; chez Germain, au contraire, c’était consternation, désespoir. Ses yeux étaient tournés du côté d’Élisabeth, qui s’était assise sur le banc de pierre, au pied d’un poirier dont les branches s’attachaient comme autant de bras au mur de la maison. La jeune fille avait caché sa tête dans ses mains, et de grosses larmes roulaient le long de ses joues. Germain entendait de sa place les sanglots qu’elle cherchait à retenir. Il ne put supporter plus longtemps ce spectacle et son secret lui échappa. Comme le joueur qui risque sa fortune sur un coup de dés, il risqua tout, dans un aveu que lui arrachèrent sa douleur et ses remords, tout, jusqu’à son amour pour Élisabeth, jusqu’à l’avenir de la pauvre fille.

— Vous êtes ma mère ? dit-il en serrant avec émotion les mains de la fermière.

— Pour mon malheur ! répondit-elle.

— Et vous, vous êtes mon père ? reprit-il en s’adressant à maître Gilles.