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paraît pouvoir remplir ces fonctions. Le jeune homme monte sur sa bonne jument normande et fait asseoir la jeune fille derrière lui. Le vieux père embrasse encore une fois sa fille et, avant de regagner sa maison déserte, il jette un dernier regard au fils du fermier, regard où se peignaient toutes ses angoisses et qui disait : « Je te confie mon enfant, c’est mon bien le plus précieux ; respecte-la comme tu respecterais ta sœur ; le bon Dieu saura bien t’en récompenser ! » Puis la jument prend son trot habituel, emportant le dernier lien qui rattachait le vieillard à la vie… Élisabeth avait le cœur gros et faisait de grands efforts pour retenir ses larmes. Son compagnon de route respecta sa douleur ; il ne se retourna pas une seule fois pendant toute la durée du voyage ; et c’était chose vraiment singulière de voir ces deux jeunes gens si près l’un de l’autre, et pourtant si indifférents, comme s’ils eussent ignoré que Dieu leur avait réparti la jeunesse et la beauté. Mais les jours se succédèrent, et la grande douleur s’effaça. Puis vint le temps de la moisson ; les blés étaient superbes, abondants. Aussi quel mouvement, et comme la sueur roulait sur les joues, et comme on apportait de la gaîté aux