Page:Lavalley - Légendes normandes, 1867.djvu/228

Cette page n’a pas encore été corrigée

quelques bribes qui composent son dîner ; mais, vienne un jour d’affliction, l’animal délaissé devient un bon serviteur ; on s’aperçoit alors, mais alors seulement, qu’il lit votre douleur dans vos yeux, qu’il a ses jappements de joie ou de tristesse, comme vous avez vos cris d’allégresse ou de désespoir ; on aime sa taciturnité et ses airs mélancoliques ; on le rapproche de soi, on lui donne les morceaux les plus délicats de sa table, on le caresse affectueusement ; on lui parle même de ses maux, comme s’il pouvait vous comprendre. Ces vers :

« O mon chien ! Dieu sait seul la distance entre nous ; Seul, il sait quel degré de l’échelle de l’être Sépare ton instinct de l’âme de ton maître !… »

ces mots charmants, Jocelyn ne les aurait pas dits s’il n’eût pas été malheureux. Élisabeth obéissait donc à cette loi mystérieuse de notre être, qui nous fait trouver, aux temps de persécution, un véritable plaisir dans la société des animaux. Tous les jours elle allait traire ses vaches, et l’idée ne lui était pas encore venue que ces pauvres bêtes lui étaient reconnaissantes des soins qu’elle leur donnait. Maintenant, il lui semblait qu’elles la regardaient avec affection ;