Page:Lavalley - Légendes normandes, 1867.djvu/225

Cette page n’a pas encore été corrigée

elle le récalcitrant Jacquot. Lorsque la jeune fille fut arrivée au haut de la côte, moitié pour reprendre haleine, moitié pour s’abandonner à ses tristes pensées, elle s’arrêta à l’entrée du petit chemin qui devait la conduire dans l’herbage où paissaient les vaches ; et, s’appuyant les coudes sur le dos de Jacquot, enchanté du répit qu’on voulait bien lui accorder, elle se prit à réfléchir. Un vieux chêne, qui se dressait sur la crête du fossé et se penchait sur la route, protégeait la jeune fille contre les rayons déjà brûlants du soleil. Les yeux d’Élisabeth suivaient tristement les nuages cotonneux qui effaçaient de temps à autre le bleu du ciel. Comme eux, sa pensée traversait l’espace et cherchait la terre regrettée, le pays où s’étaient passées ses jeunes années. Elle revoyait la maison où filait sa mère, où son père, revenu de sa rude journée de travail, la soulevait dans ses bras pour la porter à ses lèvres et oublier sa fatigue dans ce doux baiser paternel. Tout à coup le refrain d’une ronde champêtre la fit tressaillir au milieu de son isolement, comme le bruit d’une arme à feu réveille les échos d’une solitude. Elle se retourna et aperçut une vachère qui sortait du champ voisin.