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foule est si puissant sur les jeunes organisations qu’elle se sentait, par moments, sur le point de chanter avec elle les refrains passionnés de la Marseillaise ; et lorsque la déesse de la Liberté vint à passer, elle battit des mains et ne put retenir un cri d’admiration.

— La belle jeune fille ! dit-elle en montrant la déesse au vieux domestique.

Tout entière à ce qu’elle voyait, Marguerite ne se doutait pas qu’elle était elle-même l’objet d’une admiration mystérieuse. Un homme du peuple ne la quittait pas des yeux, et restait indifférent au double spectacle que lui offraient la foule et le cortége. C’était une tête puissante, rehaussée encore par les vives couleurs du bonnet phrygien, qui lui donnait quelque ressemblance avec le type populaire de Masaniello. Comme le pêcheur napolitain, le jeune homme paraissait poursuivre un rêve aimé ; ses yeux plongeaient dans le regard limpide de Marguerite comme dans l’azur de la mer. Tout à coup on le vit se redresser brusquement, comme un homme réveillé en sursaut, s’élancer d’un seul bond jusqu’aux pieds de la jeune fille, et se ruer sur un des spectateurs qui venait de ramasser un bijou dans la poussière.