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serais capable de tout au monde. J’ai de l’intelligence ? je la cultiverais, je l’agrandirais, je travaillerais, je travaillerais jusqu’à en mourir ! Mais ce sont des vœux inutiles. Esprit, courage, imagination, travail, tout cela n’est rien sans la naissance. Il me faudrait un titre, des châteaux, et je n’en ai pas ! Tant d’autres ont de l’or ! Pourquoi suis-je parmi les misérables ? Est-ce que je ne suis pas autant, peut-être plus que nos suzerains ? Est-ce que je ne pense pas ? Oh ! voyez-vous, quand ces idées me montent à la tête, je suis pris d’une haine immense contre les puissants de la terre. Je voudrais brûler les repaires de cette race d’oppresseurs ! Ou plutôt, — car je ne me sens pas né pour le meurtre, — je voudrais immortaliser ma vengeance par la pierre, en faisant grimacer au sommet de nos églises, sous la forme de monstres et de reptiles, les figures de nos tyrans !

Le jeune homme s’arrêta, haletant, à bout de forces, épuisé par l’émotion. Son regard lançait des éclairs de fureur, et les passions grondaient sourdement dans sa poitrine. Marie le considérait avec un sentiment de pitié et d’effroi.

— Est-ce encore moi, dit-elle, qui vous inspire ces paroles de haine et d’orgueil ?