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prit ses mains et lui demanda la cause de son chagrin.

— Je crois savoir ; dit-elle, le motif de votre mécontentement. Mais laissez parler vos ennemis. Leurs amères critiques passeront comme le vent, et votre ouvrage restera pour dire votre nom et votre gloire aux âges futurs.

Le vieillard rougit légèrement, en voyant sa pensée si bien mise à nu. Il regretta de ne pas avoir mieux caché sa faiblesse et ne chercha plus qu’à dissimuler la honte qu’il en éprouvait.

— Que tu es jeune, ma pauvre Marie ! dit-il en regardant sa fille d’un air de compassion. Les épigrammes de ces lourdauds ne peuvent que s’aplatir en m’atteignant. J’ai le droit de les mépriser. Ce que tu as pris pour les souffrances de l’humiliation, c’était tout simplement une des mille souffrances de ce misérable corps qui se vieillit. Car je souffre affreusement ! Ma tête est lourde… Le sang me brûle !… je suis altéré. C’est cela même, ajouta-t-il en voyant sa fille courir vers une armoire et lui rapporter une coupe pleine de vin. Cela me calmera peut-être. La fièvre, la pire de toutes les maladies, la fièvre de l’esprit me dévore. La pensée, quand elle est trop forte, trop fréquente, use et abat le corps