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plaçait leurs tombeaux dans l’église qu’ils avaient construite, et le sculpteur n’oubliait pas de leur mettre des nuages sous les pieds, distinction qu’on n’accordait alors qu’aux personnes divines.

Mais il y avait une autre cause à la renommée de Pierre Vardouin. Les mœurs, le langage, les costumes, le gouvernement changent avec le temps ; mais les préjugés, les petitesses du cœur humain ne suivent pas les variations du calendrier. Que le treizième ou le dix-neuvième siècle sonne à l’horloge du temps, les sept péchés capitaux n’en sont pas moins à l’ordre du jour. On accepte une réputation faite, parce qu’on ne se sent pas de force à lutter contre l’opinion générale ; mais si votre voisin a du talent, vous en parlez comme d’un homme ordinaire ; vous vous feriez tort à vous-même plutôt que de servir à son élévation. Il est très-difficile d’avoir du mérite dans la ville qui vous a vu naître.

Les habitants de Bretteville avaient donc Pierre Vardouin en grande estime, parce qu’il venait de loin. On ne connaissait pas le lieu de sa naissance, on ne savait pas au juste dans quel chantier ni sous quel patron il avait fait son apprentissage ; mais il s’était établi tout à coup à Bretteville,