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tance. Sa version diffère en tous points de celle de Turenne[1], de Sully[2], et surtout de d’Aubigné[3]. D’après elle, Henri serait entré paisiblement dans Fleurance à dix heures du soir, aurait demandé les clefs de la ville, ce qu’il ne faisait jamais, et armé cinquante à soixante protestants. Les catholiques occupèrent alors les tours. Henri menaça d’y mettre le feu. Un coup d’arquebuse blessa à la jambe un des siens, chose qu’il s’empressa de faire savoir à la Reine-Mère. Celle-ci donna l’ordre à la garnison qui occupait les tours de se retirer, ce qui était déjà fait quand l’ordre arriva[4]. Ce coup de main sur Fleurance ne fut donc pas aussi hardi, d’après elle, que l’ont écrit les chroniqueurs protestants.

Elle a espoir du reste que tout s’arrangera. Elle renonce à aller à La Réole, où elle a envoyé Biron, et ses négociations avec le roi de Navarre sont près d’aboutir.

« Ma fille, la reyne de Navarre, ajoute-t-elle dans la même lettre, faict toujours les meilleurs offices en toutes ces affaires pour le bien de vostre service. » Néanmoins, bien que servant d’instrument docile aux vues de Catherine, Marguerite semble s’être assez désintéressée de la politique durant toute cette première partie du voyage. Son rôle est d’amuser la suite de la Reine, de présider aux fêtes, de faire avec ses dames et ses filles assaut de coquetterie et peut-être aussi de galanterie. « Un jour, écrit Brantôme, elle parut vestue fort superbement d’une robe de toile d’argent et coulombin à la Bolonaise, manches pendantes, coiffée si très richement, et avec un voile blanc, ny trop grand ny trop petit, et accompaignée avec cela d’une majesté si belle et si bonne grâce, qu’on l’eust plustot dicte déesse du ciel que Reyne de la terre[5]. »

À Auch, du reste, écrit Sully dans ses Œconomies royales, « on n’oyait plus parler d’armes, mais seulement de dames et d’amour ; nous devimmes tout à fait courtisant et faisant l’amoureux comme les autres ; ne nous amusans tous à autre chose qu’à rire, danser et courir la bague[6]. »

  1. Mémoires du vicomte de Turenne. Oper. cit.
  2. Œconomies royales, collection Petitot, t. i, 2e série, p. 283-284.
  3. D’Aubigné, Histoire universelle, t. v, p. 350 et suiv. Éd. de Ruble.
  4. Lettres de Catherine. Fonds français, vol. 3300, fo 92.
  5. Brantôme, Vie des Dames illustres, chap. Marguerite.
  6. Œconomies royales, collect. Petitot, t. i, 2e série, p. 282.