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les Mémoires du vicomte de Turenne, plus tard le duc de Bouillon, Mathieu dans son Histoire du règne de Henri III, etc., rectifient la plupart de ces erreurs.

Turenne nous apprend en effet qu’on dansait « chez les filles de la Reine Marguerite », en l’absence de la Reine-Mère, qui était allée à une chasse aux palombes, lorsque ce samedi 22 novembre, « la danse continuant », le jeune Armagnac arrive de Nérac et prévient le Roi de Navarre que « la nuit précédente La Réole avait esté surprise par le chasteau. » Tous les chefs protestants crurent à une trahison machinée par la Reine-Mère. Le Roi appelle Turenne. « Le premier mouvement, écrit-il, fut si nous estions assez forts pour nous saisir de la ville d’Aux. Il fut jugé que non. Soudain je dis qu’il nous fallait sortir et qu’avec justice nous pouvions nous saisir du mareschal de Biron et aultres principaux qui estoient avec la Reine pour ravoir La Réole. Nous prenons congé de la compagnie, qui trouva nostre despart plus prompt qu’elle ne se l’estoit promis, n’en sçachant l’occasion. » Le Roi de Navarre et sa petite troupe sortent d’Auch. La proposition de s’emparer de Biron est repoussée. En revanche on accepte celle de prendre Fleurance, puis Lectoure. Mais on décide que le roi de Navarre ira au devant de la Reine-Mère « pour lui tesmoigner son offense et son respect » ; ce qui fut fait. « La Reine fit fort l’estonnée et avec raison et donna quantité de paroles pour asseurer une réparation. » Biron de son côté promit « de faire tout debvoir pour faire rendre la place. »

Néanmoins ce qui avait été projeté fut exécuté. Le Roi de Navarre partit pour Fleurance avec sa petite troupe de gentilshommes, y arriva à trois heures de la nuit, força le poste, essuya quelques coups d’arquebusades, s’empara des tours, se rendit maître de la ville et y établit garnison. Cela fait, ajoute Turenne, « nous nous en allâmes à Nérac où toute la négociation fut en allées et venues pour avoir réparation de La Réole. À la fin, il fut résolu qu’elle seroit remise à ceulx de la religion, mais que le sieur d’Ussac en auroit le gouvernement et le sieur de Favas n’y rentreroit[1]. » Chose qu’on n’aurait certes point fait si d’Ussac avait trahi les intérêts des protestants.

La légende de ses amours séniles avec la bouffone d’Atri est donc inexacte, encore plus celle de sa trahison.

En tous cas, Henri ne revint pas à Auch le lendemain, ainsi que la plupart des auteurs l’ont écrit.

  1. Mémoires du Vte de Turenne, Coll. Petitot, vol. xxxv, p. 176-177.