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grande affection et avec fort grand aize salué ; le vicomte de Tourenne

est entré avec luy et quelques ungs des principaulx ; et, après le bon accueil que vous pouvez bien penser que nous luy avons faict et nous estans entretenus ung peu de temps de propos commungs, nous sommes descendus de ladicte salle et montez en mon chariot, où il est aussi entré et venu avec nous jusques en ce lieu, faisant toujours, et nous à luy, la plus grande démonstration d’aize et de contentement qu’il est possible[1]. »

La lettre entière est à citer. Sa longueur nous force de la résumer brièvement. Et d’abord, il accompagne la Reine-Mère chez elle, dans sa chambre ; puis « il a voulu mener votre sœur la Royne de Navarre, en son logis, qui est de l’austre costé de la rue, où ils logeront et coucheront ensemble ; mais de peur de luy donner peyne, vostre dicte sœur n’a poinct été plus loing que mondit logis ; et luy, qui avait fort grand chault et pour ce aussy qu’il a faict aujourd’huy très grande challeur, s’est allé rafreschir ; et madicte fille et luy sont revenuz en ma chambre. » Là, sans plus tarder, Catherine engage les négociations. Elle lui dit que le Roi Henri III « l’aime parfaictement, comme s’il estoit son frère et comme celuy qui est non seulement son beau-frère, mais son héritier après son frère. » La rusée Florentine manœuvra si bien dans cette première entrevue qu’Henri de Navarre consentit à tout. Se réservait-il de prendre plus tard sa revanche, ou ne pensait-il en ce moment qu’à sa femme Marguerite, dont il était séparé depuis deux ans et huit mois et qui lui revenait dans tout l’éclat de son opulente beauté ?

Dans ses Mémoires, la reine de Navarre ne consacre qu’une ligne à l’entrevue de La Réole. Henri est plus explicite : « Je m’en viens, écrit-il de Nérac le 10 octobre à M. de Montesquiou, de recueillir la Royne-Mère et ma femme à la Réole, où toutes choses se sont passées au souhait et contentement d’un chascun, mesme pour l’establissement et entretenement de la paix, dont nous avons déjà commencé à traicter, et l’on fera, Dieu aydant, une bonne résolution à l’Isle en Jourdain où je les iray retrouver, et partiray d’ici le xve du mois[2], »

Les deux reines restèrent cinq jours à la Réole.

Du 3 au 6 octobre, séjour à La Réole.

Si Marguerite et Henri de Navarre furent, durant ces cinq jours, tout

  1. Fonds français, no 3300, fo44. — Voir aussi Lettres de Catherine de Médicis, publiées et si bien annotées par M. le comte Baguenault de Puchesse, t. vi, p. 46.
  2. Lettres missives d’Henri IV par Berger de Xivrey, t. 1, p. 200.