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L’entrée de Marguerite au château d’Usson clot irrévocablement la phase de son existence si tourmentée, dont nous avons pris à cœur, ses livres de Comptes à la main, de retracer l’histoire. Après les pérégrinations sans nombre, le repos absolu ; après les agitations, les inquiétudes et les soucis, le calme et l’apaisement ; après les aventures amoureuses, le recueillement, l’étude des belles lettres, la pratique mieux entendue de la religion.

Usson ! Pour les uns, lieu de libertinage, sorte de Caprée où Marguerite s’adonna aux vices les plus honteux[1] ; aux yeux des autres « Thabor pour sa dévotion, Liban pour sa solitude, Olympe pour ses exercices, Parnasse pour ses Muses, Caucase pour ses afflictions[2]. » — « Usson, rocher témoin de la volontaire solitude, très louable et religieuse, de cette princesse, où il semble par la douceur de la musique et par le chant des plus belles voix de France que le paradis en terre ne puisse être ailleurs, et où Sa Majesté goûte le contentement et repos d’esprit que les âmes sentent en l’autre monde[3]… »

Nous laisserons ses panégyristes comme ses détracteurs juger à leur guise la vie que pendant dix-huit années mena à Usson la Reine de Navarre. Encore moins la suivrons-nous, à partir de 1605, à Paris, ridicule et démodée, offrant le décevant spectacle d’une femme qui ne sait pas vieillir.

Aussi bien, malgré elle, les événements vont-ils se précipiter. Du haut de son rocher, calme et impassible, alors qu’elle entreprend pour charmer sa solitude d’écrire ses Mémoires de cette plume élégante et spirituelle qui leur a valu l’immortalité, Marguerite assiste à toutes les péripéties d’une des plus affreuses guerres civiles qui aient jamais désolé la France. Elle voit mourir les uns après les autres tous ces mignons et archi-mignons, ses plus cruels ennemis, produits vénéneux de la Cour corrompue des Valois ; elle entend les derniers râles du seul homme qu’elle ait peut-être jamais aimé sincèrement, du bel Henri de Guise, lâchement assassiné par son frère ; elle voit tomber ce dernier, frappé à son tour comme par la vengeance céleste ; elle ne peut recueillir le dernier soupir de sa mère, qui s’éteint, bien oubliée, dans une pauvre chambre du château de Blois.

  1. Bayle, entre autres.
  2. Hilarion de Coste, Éloge de la Reine Marguerite.
  3. Darnalt, Les Antiquités d’Agen et pays d’Agenais, ch. xxii, Éloge de la Reine Marguerite.