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ment à Bellièvre. « …Je voy que Dyeu m’a laisé ceste createure pour la punytion de mes péchés, aus aflyxion que tous les jour ayle me donne. C’est mon flo (pour fléau) en cet monde. Je vous aseure que je an suys si afligée que je ne say quel remède y trover, que me aulgmente daventege mon annuy. Je vous prye panser cet que je y pourès fayre ; et, quand je vous voyré, que m’en pussiez conçoler…[1] »

Enfin, le 11 juin, Cavriana, médecin italien qui suivait la Cour partout où elle se transportait, écrit à Vinta : « La Reina de Navarra, non immemore dell injuria ricevuta ora fa l’anno, s’arma contro noi, ed ajuta gli avversarii, e fortifica Agen, dove e, terra principale della Guyenna, con tostte le terre et castella vicine, di modo che il fuoco e molti capi si spargono que e la per il rigna[2].

Néanmoins Marguerite s’efforce encore, mais bien vainement, de se conserver les bonnes grâces des Agenais.

« Le 23 de juin, écrit le consul Trinque dans son livre de raison, veille de Saint Jean, feust faict un grand feu à la place d’Agen, où la Reyne de Navarre mist le feu, accompagnée de MM. les consuls avec leurs robes consulaires. Les gens de la suite de la Reyne firent un autre feu au cimetière de la Chapelle, au bout duquel ils avaient mis un crumel avec trois chats. La Reyne les regardait, mais elle n’y mist point le feu[3]. »

C’est à ce moment, en effet, dès la dernière quinzaine de juin, que Marguerite songea à se fortifier dans Agen et qu’elle commença ces grands travaux qui allaient bouleverser la ville, en vue de bâtir une citadelle entre la Porte-Neuve et le couvent des Jacobins. Ce dernier, on le sait, occupait un vaste emplacement au-dessus des murailles qui longeaient le Gravier, dans la partie la plus haute de la cité[4]. La position, au point de vue stratégique, était on ne peut mieux choisie. Malheureusement ce quartier se trouvait habité par les familles les plus riches qui y avaient construit de superbes hôtels. On juge de leur émoi, lorsque, par ordre de la Reine, elles virent peu à peu tomber leurs élégantes demeures.

  1. Bibl. nat., fonds français 15.908, fo 42. — Cf. : Lettres de Catherine, t. VIII, p. 318.
  2. Négociations diplomatiques avec la Toscane, t. IV, p. 612.
  3. Mémoires du consul Trinque. Revue de l’Agenais, t. X, p. 534.
  4. Voir le plan du couvent des Jacobins au tome Ier, p. 61, de notre travail sur les anciens Couvents d’Agen avant 1789.