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considérée, ainsi que nous l’avons déjà dit au moment où elle fut chassée de la Cour, comme son mauvais génie.

Mais les ressources furent vite épuisées. On procèda alors à des emprunts forcés sur les particuliers, lesquels ne furent jamais remboursés. Puis, on logea les soldats dans les maisons des protestants, qui furent dévalisées ; ensuite un peu partout, les officiers chez les plus riches, la troupe là où elle pouvait contenir. La ville fut écrasée sous le poids de telles charges, et l’exode des habitants commença.

« À dict savoir que pour raison de ces gens de guerre, la plupart des principaulx habitans de ladite ville se retirèrent et se cachèrent ès villes prochaines et chasteaux forts des environs, Monsieur le lieutenant Redon à Villeneuve, Loubatery à Clermont, Cambefort à Moyrax, les conseillers Raymond et Boyssonnade, juge ordinaire, à Castelcullier, le conseiller Valier à Pujols, les conseillers de la Roche Durepaire au Castella, Codoing à Guillot, et aultres ès environs où ils pouvaient, quitant et abandonnant leurs maisons[1].

« Mais, à cause de leur absence, lesdites maisons furent pillées, ravaigées et saccaigées, à cause que la dite dame mettait en chacune une compaignie entière de ses gens de pied, qui faisaient toutes sortes de dommaiges, dont ils se pouvaient adviser et vendaient les meubles desdits habitans ; et oultre que ledit sieur lieutenant Redon fust quelque temps qu’il payait 10 escus par jour pour la nourriture du sieur de Mauléon qui estoit logé en sa dicte maison, et aussi que plusieurs des dits habitants furent emprisonnés, vexés et tourmentés par desfaut de fournir ou payer ce qu’on leur demandait[2].» « Le sieur de Ranse, entre autres, qui « demeura de longs jours incarcéré en un gros pilier, resté seu debout au milieu de la rivière[3] ».

« Et dit aussi savoir, pour avoir vu, que le plus souvent il n’estoit ouvert qu’une des portes de ladite ville où le sergent majour gardait ; et quelquefois on n’en ouvrait aucune, si ce n’estoit sur le soir, qui estoit cause que les pauvres habitans à grand difficulté pouvoient faire apporter quelque peu de leurs blez, vins et aultres

  1. Archives municipales, CC. 79. Déposition de Me Pierre de Lafont.
  2. Idem. Déposition de Me Oct. de Longueville.
  3. Idem. Déposition de Me Gratien de la Rigaudière, juge d’Astaffort.