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Saint-Maur des Fossés, 25 avril 1584[1].
« Monsieur de Bellièvre,

« Je commancerai ma lettre par vous dire qu’après Dieu vous m’avés rendu la santé d’avoir par votre prudence et bonne conduite achevé une si bonne œuvre et si importante pour notre maison et honneur, d’avoir remis ma fille avec son mari, que je prie Dieu y puisse demeurer longtemps et vivre en femme de bien et d’honneur et en princesse dont méritent ses conditions d’être, pour le bien dont elle est née. C’est ce que je m’assure qu’elle fera et que Dieu lui assistera ; mais qu’elle continue à le reconnaître, comme l’on m’a assuré qu’elle a fait depuis que je ne l’ai vue. Je vous prie lui bien dire avant votre partement et lui remontrer toutes les choses que vous savez, mieux que je ne vous puis le dire, qui méritent être considérées et faites par telles personnes comme elle est, et aussi pour s’accompagner de gens d’honneur, hommes et femmes ; car outre que notre vie nous fait honneur ou déshonneur, la compagnie que nous avons nous y sert beaucoup, et principalement aux princesses qui sont jeunes et qui pensent être belles, Et elle pourra vous dire comme elle a toujours fait, que j’en ai de toutes façons, et en ai eues et hantées, étant jeune.

« À cela il y a une réponse qui ne saurait dire le contraire ; étant jeune, j’avois un Roy de France pour beau-père qui me bailloit ce qui lui plaisoit, et il me falloit lui obéir et hanter tout ce qu’il avoit d’agréable. Depuis qu’il fut mort, son fils que j’avois l’honneur d’avoir épousé, étoit entré dans sa place, à qui je devois pareille obéissance et plus. Et Dieu merci, encore qu’il vouloit ce que je faisois pour leur complaire, ces personnes n’ont jamais eu telle puissance sur moi et mes volontés qu’elles m’aient induites, ni que j’aie fait chose contre mon honneur et ma réputation, que, à ma mort, quant à ce fait, je n’en demande pardon à Dieu, ni que je craigne que ma mémoire en soit moins à louer. Et si, à cette heure que je suis veuve, elle pourroit dire, étant maîtresse de moi, que je les devois toutes éloigner et n’en hanter nulle. J’ai eu affaire à conserver tous les sujets des rois mes enfans, et les attirer à

  1. Bibl. nat., fonds français, No 15.907, folio 421. — Cf. : Lettres de Catherine, t. VIII, p. 180.