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affection que j’ai à tout ce qui touche le bien de vos affaires et

service[1]

Cette date du 13 avril concorde, nous le voyons, avec celle donnée par l’Itinéraire. Quant au lieu indiqué, ce doit être ou Nérac, ou plus encore le Port-Sainte-Marie, d’où le Béarnais s’empressa de dépêcher Yolet à la Cour pour qu’il prévint, sans tarder, le Roi de l’accomplissement de ce mémorable évènement.

Mais laissons parler surtout Michel de La Hugherie, cet envoyé du prince de Condé à Nérac pour offrir au Roi de Navarre son amitié et chercher aussi à lui faire contracter une alliance avec l’électeur de Cologne, afin de continuer la guerre, rabaisser l’orgueil de l’Espagne et porter une mortelle atteinte à la puissance toujours croissante de la maison de Lorraine.

Logé « en une hostellerie proche du logis du sieur du Pin, secrétaire du Roi, » La Hugherie eut plusieurs entretiens avec ce personnage et obtint de lui qu’il assisterait, caché, à l’entrevue du soir entre le Roi et la Reine de Navarre. Il vit aussi Pomponne de Bellièvre à qui il fut présenté par le Roi lui-même « dans sa belle allée de lauriers. »

« La Hugherye, lui dit le lendemain matin le Roi de Navarre qui l’avait mandé, mais qui déjà se trouvait à cheval entre la halle et son logis, je ne pourrai vous voir aujourd’huy, pour ce que je m’en vais recepvoir ma femme au Port-Sainte-Marie, et passeray tout ce jour en ceste affaire-là, laquelle je suis bien aise que vous voyez. »

Et la Hugherie continue en ces termes dans ses Mémoires :

« Peu après que j’eu laissé ledit sieur du Pin, le Roy et la Royne sa femme arrivèrent, environ les quatre heures, et furent tous deux seulz se promenant en la galerie du chasteau de Nérac jusques au soir, où je vey ceste princesse fondre incessament en larmes, de telle sorte que, quand ils furent tous deux à table où je les voulu voir (c’estait fort tard, à la chandelle en ce temps-là), je ne vey jamais visage plus lavé de larmes, ny yeux plus rougis de pleurs. Et me feyst ceste Princesse grande pitié, la voyant assise près du Roy son mary, qui se faisoit entretenir de je ne scay quelz discours vains par des gentilshommes qui estoient à l’antour de luy, sans que luy ny aultre quelconque parlast à ceste princesse, qui me feist bien juger ce que du Pin m’avoit dict que c’estoit par force qu’il l’avait

  1. Bibl. imp. de Saint-Pétersbourg, no 914, L. 15. Cf. : Lettres missives, t. i, p. 645.