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des favoris, le bel Harlay de Chanvallon, et que là débuta sans doute cette passion pour lui qui devait lui susciter de si cruelles infortunes.

Marguerite rentra à Paris à la fin de l’année 1577, « voulant faire mon voiage de Gascogne, écrit-elle, et ayant préparé toutes choses pour cest effect. » Mais cette fois encore le Roi la berça de vaines promesses ; et elle dut assister, pendant les six premiers mois de 1578, au règne insolent des Mignons, à leurs sanglantes querelles, à la nouvelle fuite du duc d’Anjou qu’elle favorisa de toutes ses forces, aux caprices de sa mère, à la faiblesse et à la conduite ignominieuse du Roi son frère, objet pour tous de moqueries et de dédain, aux sourdes rumeurs de la Ligue déjà menaçante, et par dessus tout à l’élévation de la maison de Lorraine par la popularité toujours croissante dont jouissait son ami d’enfance, Henri de Guise, le vainqueur de Dormans, le glorieux Balafré.

— En s’enfuyant du Louvre le 3 février 1576, Henri de Navarre, malgré les attaches amoureuses qui pouvaient l’y retenir, obéit moins à ses secrets pressentiments qu’il y courait les plus graves dangers qu’à sa mystérieuse destinée et aux supplications de son parti, désemparé depuis l’assassinat de Coligny par la défection du duc d’Anjou, la faiblesse du prince de Condé et la diplomatie de Catherine qui paralysait tous ses efforts. Aussi est-ce avec joie qu’après avoir repris publiquement la religion de sa mère il fut salué par tous le chef des Réformés.

La Cour de France prit peur. Catherine commença par détacher d’Alençon du parti des Politiques ; puis, par la paix de Beaulieu, dite aussi « de Monsieur », signée en mai 1576, elle octroya à son fils rebelle l’Anjou, la Touraine et le Berry, à Condé la Picardie, au roi de Navarre le gouvernement de Guienne, aux protestants le libre exercice de leur culte dans toutes les villes du royaume sauf Paris, la création de chambres mi-partie, l’abandon de quelques places de sûreté, l’admission de leurs enfants dans toutes les écoles ; enfin elle convoquait à Blois les États-Généraux.

Jamais le nouveau parti, après seize années de luttes sanglantes et quatre édits de pacification, n’avait obtenu semblable satisfaction. La Reine-Mère pouvait donc espérer voir ses vœux réalisés ; et, en mettant sur la même ligne catholiques et protestants dont elle pensait devenir le suprême arbitre, croire à l’apaisement définitif du royaume. Mais elle comptait sans les Guise et leur insatiable ambition. Ceux-ci soulevèrent la Picardie, pays très catholique, qui refusa de livrer