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Sa mission ne fut pas inutile. Catherine obtint de suite de son fils que tous les prisonniers qui étaient déjà enfermés dans la Bastille seraient élargis, et qu’il laisserait sa sœur continuer paisiblement son chemin, pour aller, quand elle le pourrait, rejoindre son mari.

« Avec ces nouveaux troubles, écrivait peu après la Reine-Mère à Villeroy, je reçoy tant d’ennuis des lettres qui font mention de ma fille, que j’en suis cuidée mourir depuis que je suis de deça, ne se passant ung seul jour que je n’en aye quelque nouvelle alarme qui m’afflige si fort que je ne me sentis jamais en telle peine. Ce que l’on tient pour certain et qu’elle ne peut nier, elle a écrit à mon filz le duc de Lorraine, j’ay veu les lettres, pour le prier de la recepvoir en son pays. Ce me sont des afflictions si dures que je me sens comme hors moy[1]. »

Au cours de sa douloureuse pérégrination, Marguerite lui écrivait en effet des lettres, dont voici un spécimen :

« Madame, si au malheur où je me vois réduicte, il ne me restoit la souvenance de l’honneur que j’ay d’estre vostre fille, et l’espérance de vostre bonté, j’aurois déja, de ma propre main, devancé la cruauté de ma fortune ; mais me souvenant, Madame, de l’honneur que vous m’avez toujours faict, je me jette à vos pieds et vous suplie très humblement avoir pitié de ma trop longue misère ; et, prenant la protection de vostre créature, faire en sorte que le Roy se veuille contenter de mes maux et me tenir à l’avenir pour sa

très humble servante, telle que j’eusse tousiours désiré, si j’eusse

    Comment se fait-il que cet auteur, généralement bien informé, ait écrit que la Reine-Mère se trouvait à ce moment à La Fère auprès de son fils le duc d’Anjou, lorsqu’il est avéré, d’après sa correspondance, qu’elle séjourna à Paris du 30 juillet au 9 août, où elle reçut l’ambassadeur d’Angleterre et d’où elle écrivit à cette dernière date une lettre au Roi d’Espagne, une autre à M. de Longlée, une troisième à M. de Mauvissière ? (Lettres de Catherine, t. viii, pp. 118-119.) Comment expliquer en revanche que, résidant à Paris le 8 août, jour de l’affront sanglant infligé à sa fille, elle n’ait point paru au bal du Louvre, et que, le lendemain 9, elle n’en souffle mot dans aucune de ses lettres, ajoutant négligeamment que le Roi est parti pour rejoindre sa femme aux bains de Bourbon-Lancy ? Mais est-on en droit d’exiger tant de franchise de la fille des Médicis ? Catherine, d’après sa correspondance, était encore à Paris le 9 août. Le 13 elle se trouvait à Compiègne, et le 14 à La Fère, auprès de son dernier fils. (Lettres de Catherine, t. viii, p. 121-122.)

  1. Bibliothèque Impériale de Saint-Pétersbourg. Documents français, vol. liii. Publiée en partie par M. le comte Hector de la Ferrière. (Deux années de missions à Saint-Pétersbourg, Paris 1867, p. 32.)