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Cour. Et si j’osais dire, si vous estiez honneste homme, vous quitteriez

l’agriculture et l’humeur de Timon pour venir vivre parmi les hommes. Le temps n’y fut jamais si propre pour les raisons que j’escris à Monsieur de Segur, de quoy je craindrais rendre ceste lettre trop longue et pour ne tomber en ceste importunité, aveq vostre permission, je vous baiserai, Monsieur, très humblement les mains. M.[1] »

Henri III écrivit en effet, dès son retour de la chasse, une lettre des plus pressantes à son beau-frère, où il lui renouvelait son amitié et insistait pour qu’en venant de suite à la Cour il reprît le rang et la position qui lui étaient dus.

Le Roi de Navarre lui répondit cette jolie lettre, où, sous les marques de sa plus vive gratitude et de son profond respect, se cachent sa prudence, sa finesse, son habileté consommées, qualités qui allaient lui être d’un si précieux secours :

« Monseigneur, je ne pourrois représenter à vostre Majesté le contentement que j’ay eu des lettres qu’il vous a pleu m’escrire du xxiiie du mois passé ; esquelles me faictes ceste faveur de m’asseurer de plus en plus de vostre bonne grace et bienveillance, et de me desirer auprès de vous pour m’en faire plus vivement sentir les effects… Le plus grand honneur que je puisse avoir, c’est d’estre près de vostre Majesté pour pouvoir desployer mon cœur devant Elle par quelques bons services. Mais une chose me retarde d’avoir cest heur si tost, qui est que je desirerois, premier que partir d’icy, suivant les précédentes de vostre Majesté, emporter ce contentement avec moy d’avoir esteinct en ceste province toute semence de troubles et altérations, pour n’avoir ce malheur et regret, quand je serois près de Vostre Majesté, qu’il y advint encore quelque folie. Et pour parler franchement quelque peine que nous y ayons prinse, Monsr le mareschal de Matignon et moy, je ne voy encor cela si bien et si seurement accompli qu’il seroit à souhaicter. » Et entrant dans de longs et minutieux détails, il lui expose l’état des provinces méridionales de la France et lui fait espérer que, s’il arrive à les pacifier complètement, il répondra enfin à ses désirs[2].

Nous croyons devoir signaler ici que le mois de décembre de l’année 1582 n’eût que vingt-un jours au lieu de trente-un. Rien d’étonnant

  1. Bibl. nat. Autographe. Fonds Dupuy, vol. 217, fol. 15. — Cf. : Guessard, p. 291.
  2. Bibl. nat. Supplément du Fonds Français, vol. 1009-4. — Cf. : Lettres missives, t. i, p. 484. Duplessis-Mornay s’attribue la rédaction de cette longue lettre.