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signaler ici, en rappelant à Charles IX la promesse que Henri II avait faite à son époux, prit l’initiative de ce funeste mariage. Certes, elle le regretta dès qu’elle se fut rendu compte des embûches semées sous ses pas, et alors qu’avant de mourir elle conseillait à son fils d’emporter, aussitôt après son mariage, sa jeune femme dans l’air plus pur de la Navarre et du Béarn : « Elle est belle et bien advisée et de bonne grâce, lui écrivait-elle après sa première entrevue avec sa future belle-fille, mais nourrie en la plus maudite et corrompue compagnie qui fut jamais… Je ne vouldrais pour chose du monde que vous y fussiez pour y demeurer… Voilà pourquoi je désire vous marier et que vous et vostre femme vous vous retiriez de cette corruption ; car, encore que je la croyais bien grande, je la trouve encore davantage. Ce ne sont pas les hommes ici qui prient les femmes, ce sont les femmes qui prient les hommes. Si vous y étiez, vous n’en échapperiez jamais sans une grande grâce de Dieu[1]. »

Jeanne mourut à Paris le 9 juin et le mariage d’Henri de Navarre et de Marguerite fut célébré en grande pompe le 18 août 1572. Triste union, contractée malgré le non consentement des époux, malgré les défenses de l’Église et qu’éclairaient déjà, allumées dans l’ombre, les sanglantes lueurs de la Saint-Barthélemy[2].

Il semble que Marguerite ait porté malheur à tous ceux qu’elle a aimés. La vie d’Henri de Guise n’est qu’une émouvante tragédie. Son frère d’Alençon, sur qui elle reporta de bonne heure sa plus tendre affection, meurt misérablement, jeune encore, après sa pitoyable expédition des Flandres. La Môle est décapité sur la place de grève ; et Bussy d'Amboise, sans parler de tous ceux ensuite qui défrairont la chronique scandaleuse, après de nombreuses tentatives d’assassinat, trouve la mort dans le château de Montsoreau.

Dupleix affirme que Marguerite n’aima jamais son mari. Elle-même du reste l’avoue plus tard dans une de ses lettres : « J’ai reçeu du mariage tout le mal que j’ai jamais eu, et je le tiens pour le seul fléau de ma vie. Que l’on ne me dise pas que les mariages se font au ciel ; les cieux ne commirent pas une si grande injustice[3]. » Néanmoins l’heure n’a pas sonné encore de cette désunion complète.

  1. Le Laboureur : Additions aux Mémoires de Castelnau, t. ii p. 903. — Idem : Mongez, Histoire de la reine Marguerite de Valois, p. 56.
  2. Voir, principalement dans les Mémoires de Marguerite, le récit de cette nuit célèbre et des dangers qu’elle courut.
  3. Bibliothèque nationale. Fonds Dupuy, No 217.