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aux conférences de Bayonne, ne s’était pas trouvée avec lui au Louvre, à chacune de ses villégiatures, sans être touchée de sa supériorité intellectuelle sur celle de ses frères et sans s’être laissée prendre à sa réputation de bravoure, à son élégance, à ses charmes physiques, qui faisaient de lui un des plus beaux gentilshommes de la Cour de Charles IX. Henri de Guise fut le seul amour sérieux de la Reine Marguerite, celui de sa prime jeunesse, amour contrarié et pour cela peut-être toujours durable, dont elle se plaira à évoquer le souvenir aux heures tristes de son existence. Découvert par du Guast, l’insolent confident du duc d’Anjou, c’est cet amour qui exaspèrera le fils chéri de Catherine et qui, précipitant la disgrâce du futur chef de la Ligue, aliénera à tout jamais à Marguerite le cœur vindicatif de son frère.

Atteinte d’une maladie contagieuse, contractée sous les murs de Saint-Jean d’Angély pendant l’automne de 1569, Marguerite avait à ce point inquiété sa mère que celle-ci écrivait à cette date à la duchesse de Guise « Ma fille m’a fait belle peur, lui voyant le pourpre, que Chapelain et Castela en estoient morts, n’ayant que Milon qui l’a bien guérie et sauvée. Elle est bien faible et bien maigre[1]. » Sitôt remise, on songea à la marier au roi de Portugal.

Mais l’habileté de Fourquevaux, ambassadeur auprès du roi d’Espagne, ne parvint pas à vaincre les hésitations de ses ministres ni celles du gouvernement Portugais[2]. Le rapprochement entre Catherine et les chefs réformés, scellé par la paix de Saint-Germain (1570), fit échouer définitivement ce projet d’union. Un moment le cardinal de Lorraine espéra, grâce à la connivence des deux jeunes gens, unir son neveu à la sœur du roi de France et asseoir ainsi sur une base plus solide la fortune de sa maison. La colère de Charles IX déjoua cet audacieux projet. Chassé du Louvre, Guise dut dévorer son affront en silence ; et, comme chez lui l’ambition passait avant le sentiment, il s’en consola en épousant peu de temps après Catherine de Clèves. Union aussi malheureuse que devait l’être celle de Marguerite.

Car c’est à ce moment que furent entamées les premières négociations avec le Roi de Navarre et que Jeanne d’Albret, il est bon de le

  1. Bibl. nat. Fonds français. No 3,227, p. 80. — Idem : Mémoires de Marguerite ; éd. Charpentier, p. 29.
  2. Voir, entre autres nombreux documents sur cette affaire, les Lettres de Charles IX à M. de Fourquevaux (1565-1572), publiées par M. le chanoine Douais. (Paris, Picard, 1897.)