Page:Lauzun - Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois en Gascogne d'après ses livres de comptes (1578-1586), 1902.pdf/212

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 190 —

grand jour pour qu’elle put jamais cacher une grossesse, que certes

tous les historiens n’auraient pas manqué de proclamer à grand bruit.

Ainsi que pour la fameuse lettre de Strozzi, certifiée vraie par le même Renieri da Colle et dont nous croyons avoir suffisamment prouvé la fausseté dans les pages précédentes, nous ne devons donc voir dans cette nouvelle information de l’ambassadeur toscan qu’un de ces bruits de cour, inventé à plaisir par les mignons, auquel il est impossible d’ajouter foi. Pas une lettre du reste de Marguerite ni à sa mère, ni à sa confidente la duchesse d’Uzès, n’indique son nouvel état sur lequel elle leur aurait donné, s’il eût existé, les détails les plus circonstanciés.

Ce ne sont, dans sa correspondance de cette époque, que plaintes, récriminations de toutes sortes, demandes d’argent pour pouvoir rentrer à Paris : « … Pour l’extrême désir que j’ay de me revoir près de vous, Madame, écrit-elle à sa mère à la fin de cette année 1581, car le Roi mon mari m’assure de me mener soudain que la paix sera exécutée. Cete esperance m’i fera amploier encore avec plus d’afection pour an avancer le tems[1]. »

Sur tout cela d’ailleurs la lettre de Catherine à Bellièvre, du 27 décembre 1581, est formelle et nous paraît devoir trancher définitivement la question. « M. de Bellièvre, j’eusse esté bien aise que ma fille se fust trouvée grosse, à la charge du retardement de son voiage par deça ; may j’entendy qu’elle est délivrée de ceste opinion, et doibt estre à present en chemin pour venir par deça, où elle sera très bien venue, ainsi que je lui ay escript par Maniquet, qui s’en est allé au devant d’elle[2]. »

Hector de Maniquet, premier maître d’hôtel de la Reine de Navarre, rapportait à sa maîtresse la somme de 15 000 écus que son frère lui faisait parvenir pour faciliter son retour à Paris.

Quant au roi de Navarre, s’il a pensé un moment accompagner sa femme à la Cour, il est vite revenu sur cette idée première. Et, soit que son parti l’en empêche, surtout après la grande assemblée des Églises réformées qui se tint à Béziers à la fin de cette année, soit qu’un nouveau caprice amoureux le retienne en Gascogne, sa résolution est bien prise ; il laissera désormais sa femme libre de s’arranger à sa guise et de partir quand bon lui semblera.

  1. Lettres tirées de la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, déjà publiées par nous, no xxii, p. 24.
  2. Bibl. nat. Fonds français. N. 15,565. — Cf. : Lettres de Catherine, t. vii, p. 420.