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Si les débuts du séjour à Bagnères furent consacrés à toutes sortes d’amusements, théâtres, concerts, parties de campagne, si peu à peu la plupart des gentilshommes voisins accoururent pour faire leur cour à la Reine de Navarre, « bien que j’y feusse accompagnée, écrit-elle dans ses Mémoires, de toute la noblesse catholique de ce quartier-là, qui mettoit toute la peine qu’elle pouvait de me faire oublier mes ennuis, » Marguerite cependant recevait chaque jour des nouvelles de ce qui se passait à Eaux-Chaudes, et leur contenu n’était guère fait pour lui procurer joie et contentement. Mademoiselle de Rebours en effet, qui avait accompagné Fosseuse, était toute au service de la Reine de Navarre et ne se gênait guère pour se venger auprès d’elle de l’indifférence où l’avait laissée son royal amant.

« J’avois tous les jours advis de Rebours (qui estoit celle qu’il avoit aimée, qui estoit une fille corrompue et double, qui ne désiroit que de mettre Fosseuse dehors, pensant tenir sa place en la bonne grâce du roy mon mary), que Fosseuse me faisoit tous les plus mauvais offices du monde, mesdisant ordinairement de moy, et se persuadant, si elle avoit un fils et qu’elle se peust desfaire de moy, d’espouser le roy mon mary ; qu’en ceste intention elle me vouloit faire aller à Pau, et qu’elle avoit faict resoudre le Roy mon mary, estant de retour à Banière, de m’y mener ou de gré ou de force. Ces advis me mettoient en la peine que l’on peut penser. » Et Marguerite ajoute cette jolie phrase : « Toutesfois, ayant tousiours fiance en la bonté de Dieu et en celle du Roy mon mary, je passoy le temps de ce séjour de Banières en l’attendant, et versant autant de larmes qu’eux buvoient des gouttes des eaux où ils estoient[1]. »

N’est-elle point venue elle aussi à Bagnères, avec ce vif désir de devenir grosse et de donner un héritier au Roi de Navarre ? C’est du moins ce qu’elle exprime à mots à peine couverts à la Reine-Mère, dans cette lettre, publiée déjà pour la première fois par nous.

« … Je suis aux bains de Banières, où je suis venue pour voir si me seroit si heureux que de povoir faire par moi oguemanter le nombre de vos serviteurs ; plusieurs s’an sont bien trouvées. Je ne fauderé, Madame, estant de retour à Nérac, de vous advertir du profit que j’an aie resu[2]. »

En attendant que ce bonheur arrive, Marguerite, pour oublier ses

  1. Mémoires de Marguerite.
  2. Lettres inédites de Marguerite de Valois, tirées de la Bibliothèque Impériale de Saint-Pétersbourg, p. 23.