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tesse, vers la capitale de l’Albret, qu’en son for intérieur elle avait

bien espéré ne plus revoir. Adieu désormais les fêtes, les plaisirs de l’année précédente et aussi les négociations diplomatiques. À quoi désormais employer son temps, si ce n’est à écrire de longues lettres, où elle épanchera tout son cœur, racontera ses ennuis, ses angoisses, et qui vont devenir pour nous la source la plus sûre, comme la plus intéressante, où nous puiserons nos renseignements.

Mai 1581

Du lundi 1er mai au mercredi 31, ladicte dame et tout son train à Nérac.

Le livre des comptes de la Reine de Navarre, déposé à la Bibliothèque nationale, contient ici une seconde lacune. Elle s’étend du 27 avril jour du départ de Coutras jusqu’au 3 juin, époque où nous retrouvons Marguerite avec toute sa cour installée à Nérac.

Mais aucun doute n’est possible sur sa rentrée directe dans cette ville. Elle-même l’écrit dans ses Mémoires : « La paix faicte comme j’ay dict, mon frère s’en retournant en France pour faire son armée, le Roy mon mari et moy nous nous en retournasmes à Nérac. »

C’est le moment où Fosseuse entre véritablement en scène, et où, pendant de longs mois, elle va occuper presque entièrement l’attention. « Fosseuse, a écrit avec raison M. de Lescure, est l’ombre privilégiée de la Cour de Nérac. Elle en personnifie la corruption naïve et l’ingénieux raffinement[1]. »

Cinquième fille de Pierre de Montmorency, marquis de Thury et baron de Fosseux, et de Jacqueline d’Avaugour, Françoise de Montmorency, surnommé Fosseuse par la Reine Marguerite et toute la Cour de Nérac, avait à peine dix-huit ans en 1581. Elle était, nous l’avons vu, demoiselle d’honneur de la Reine depuis 1578, époque où cette dernière l’amena avec elle en Gascogne, encore à ce moment « toute enfant et toute bonne. »

Dès qu’il eut quitté Mademoiselle de Rebours, Henri de Navarre jeta son dévolu sur cette jolie fille, qui paraît lui avoir résisté assez longtemps. « Durant ce temps-là (1580), écrit toujours Marguerite, le Roy servoit Fosseuse qui, dépendant du tout de moy, se maintenoit

  1. Les Amours d’Henri IV, par M. de Lescure. Paris, Ach. Faure, 1864.