Page:Lauzun - Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois en Gascogne d'après ses livres de comptes (1578-1586), 1902.pdf/191

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 169 —

cet advertissement pour se venger de quelque défaveur dont il

n’avait pas eu sentiment. Elle donc prit un moyen pour le ruiner, que nous donnerons pour un plat du mestier à nos lecteurs courtisans[1]. » Marguerite s’efforce en effet de l’engager à aller prendre du service auprès du roi de Portugal. Mais il déjoue ses calculs, reste en France et plus que jamais se pose en défenseur intégré des intérêts de son maître le roi de Navarre.

Ce court passage est tout ce que nous savons des intrigues galantes qui se nouèrent à cette époque entre la Reine de Navarre et le grand écuyer du duc d’Anjou. Les écrivains contemporains se montrent fort sobres de détails sur ce séjour à Cadillac. Quant à Marguerite elle-même elle n’a garde dans ses Mémoires d’en souffler mot, à peine dans ses lettres à sa confidente la duchesse d’Uzès, à qui cependant elle ne cache rien.

Ne faut-il point faire remonter à cette époque de bonheur partagé, sans nuages, et par suite discret, la lettre suivante inédite, que nous trouvons dans l’ancien fonds français ?

« À ma cousine la duchesse d’Usès, ma Sibile,

Ma Sibile, cete letre est une prouve de l’anvie que j’ai de vous complaire ; car je me suis anouit trouvée si mal que si ce n’estait à ma vraie Sibile, il me serait impossible de mettre la main à la plume. Je ne vous puis mander de nouveles ; car despuis que je suis isi, j’ai eut tant de plaisir, que ce serait chose trop longue à escrire. Je vous suplie, faites-moi tousiours où vous estes ofise d’amie et principalement à l’androit du Roi que je veus aimer et servir, je le vous dis de cœur et d’afection. Je suis tout à vous, croies-le, et vous assures que je ne seré jamès paraiseuxse à le vous faire paraistre par escrit. Je vous baise les mains. S. M. S. (monograme habituel de Marguerite)[2]. »

Le registre des comptes de la Reine de Navarre, déposé à la Bibliothèque nationale, qui en ce moment nous sert de guide, s’arrête brusquement à cette date du 9 février. Il ne reprend qu’à la date du 3 avril. Il nous est facile de combler cette lacune.

  1. Histoire universelle, t. vi, p. 148.
  2. Bibl. nat. Ancien fonds français, vol. 3387 (ancien 8890), p. 65. Lettres inédites.