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« Je suppliai alors le Roy et la Royne ma mère, si en ma considération ils ne me vouloient tant obliger que de faire esteindre ce feu, au milieu duquel je me voyais exposée, qu’au moins il leur plust commander à M. le maréchal de Biron que la ville où je faisais mon séjour, qui estoit Nérac, fust tenue en neutralité, et qu’à trois lieues près de là il ne s’y fist point la guerre, et que j’en obtiendrais autant du roy, mon mary pour le party de ceulx de la religion. Cela me fust accordé du Roy, pourvu que le Roy mon mary ne fust point dans Nérac ; mais que lorsqu’il y seroit, la neutralité n’aurait point de lieu. Ceste condition fut observée de l’un et de l’aultre party avec autant de respect que j’eusse pu désirer ; mais elle n’empescha pas que le Roy mon mary ne vint souvent à Nérac, où nous estions, Madame sa sœur et moy, estant son naturel de se plaire parmy les dames, mesme estant lors fort amoureux de Fosseuse qu’il avait toujours servie depuis qu’il quitta Rebours ; de laquelle je ne recepvais nul mauvais office ; et pour cela le Roy mon mary ne laissait de vivre avec moy en pareille privauté et amitié que si j’eusse esté sa sœur, voyant que je ne désirais que de le contenter en toutes choses[1]. »

La paix est donc complète encore dans le ménage. Marguerite accepte les assiduités de son mari auprès de Fosseuse ; et, si ce n’était la guerre, elle jouirait d’un bonheur parfait.

Ce ne sont, en effet, à Nérac que fêtes, que plaisirs champêtres, qu’amusements variés. Les mêmes dépenses de la Reine se soldent toujours aussi nombreuses, et les émotions des batailles ne lui font pas perdre de vue ses toilettes nouvelles, ses parures de plus en plus élégantes. Il faut voir dans les comptes de cet été 1580 à quel chiffre se montent les paiements faits aux argentiers, aux orfèvres, aux tapissiers, aux couturiers, aux cordonniers. Ici ce sont des robes et des voiles pour les filles ; là des soieries et des rubans. Et encore, la confection de tonneaux qui servent à mettre l’eau du bain. » N’en dit-elle pas long cette simple mention : « à un valet, 9 écus, pour avoir tiré l’eau soubz les mollins de Barbaste, pour faire bains pour ladite dame par trois fois qu’elle s’est baignée durant le présent été[2] ? » Par suite de quel caprice la jolie Reine préférait-elle l’eau de la Gélise, prise sous les moulins de Barbaste, à celle de la

  1. Mémoires de Marguerite.
  2. Livres des comptes de la Reine de Navarre. KK. 167. Archives Nationales.