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de nous deux malheureux, qui néantmoins en son malheur s’estime

d’aultant plus heureux que sa cause devant Dieu sera juste et équitable. Je vous baise un milion de fois les mains. Vostre bien humble et obéissant mary. Henry[1]. »

Et cinq jours après, le 15 avril, date de la déclaration de guerre, après avoir envoyé à chaque chef la moitié de cet écu d’or qu’il avait partagé avec eux à la réunion de Mazères, Henri de Navarre lança de L’Isle en Jourdain un manifeste « à ceulx de la Noblesse », où il leur apprend la cause de la reprise des hostilités, les rend juges des actes d’arbitraire et de violence commis par les catholiques, et fait appel à leur fidélité et à leur dévouement[2].

Il écrit toutefois encore à la date du 20 avril deux lettres, l’une au Roi, l’autre à la Reine-Mère, pour leur expliquer sa conduite et les motifs « qui l’ont contrainct d’en venir aux armes[3]. »

Puis il se tait jusqu’après la prise de Cahors.

Marguerite de son côté ne laisse pas que d’être tout d’abord fort embarrassée. Pibrac, qui avait été chargé par elle de vendre à Paris son hôtel d’Anjou et qui après de longs pourparlers finit par l’acquérir lui même pour la somme de 10 000 escus, le 17 avril de cette année[4], continuait, sur l’ordre de Marguerite, d’entretenir le Roi et la Reine-Mère de ses bonnes intentions ainsi que de celles de son mari.

Aussi, quand la guerre fut déclarée, y eut-il au Louvre une explosion de colère contre l’astuce de Marguerite et la fourberie de son chancelier. Le malheureux Pibrac, qui n’en pouvait mais et ignorait absolument le dessous des cartes, paya pour tout le monde et fut violemment rabroué par le Roi. En même temps, Catherine écrivait de Chenonceaux, le 21 avril, une lettre à sa fille, où elle ne lui cachait point sa mauvaise humeur, lui reprochant sa conduite douteuse et lui demandant de rappeler au plus vite à son mari qu’il commettait une lourde faute, se faisait le plus grand tort, et se trompait étrangement en croyant réussir dans ses criminels projets[5].

Nous ne connaissons pas la réponse de Marguerite. En revanche, voici une lettre fort curieuse qu’elle écrivit à ce moment au Roi son frère et où elle défend encore son époux :

  1. Lettres missives, t. I, p. 285. (Orig. autogr. Collection de M. Feuillet de Conches.)
  2. Lettres missives, p. 288-295. (Fonds Brienne. vol. 207.)
  3. Idem, p. 296-298.
  4. Archives nationales. Recettes de la Reine de Navarre, vol. 166, KK.
  5. Bibl. nat. Fonds français, vol. 3300.