Page:Lautreamont - Chants de Maldoror.djvu/319

Cette page a été validée par deux contributeurs.

son origine séraphique par ses yeux errants et indécis. » Le crabe tourteau, qui, depuis quelque temps, promenait sa vue sur un espace délimité de la côte, aperçut notre héros (celui-ci, alors, se releva de toute la hauteur de sa taille herculéenne), et l’apostropha dans les termes qui vont suivre : « N’essaie pas la lutte et rends-toi. Je suis envoyé par quelqu’un qui est supérieur à nous deux, afin de te charger de chaînes, et mettre les deux membres complices de ta pensée dans l’impossibilité de remuer. Serrer des couteaux et des poignards entre tes doigts, il faut que désormais cela te soit défendu, crois-m’en ; aussi bien dans ton intérêt que dans celui des autres. Mort ou vif, je t’aurai ; j’ai l’ordre de t’amener vivant. Ne me mets pas dans l’obligation de recourir au pouvoir qui m’a été prêté. Je me conduirai avec délicatesse ; de ton côté, ne m’oppose aucune résistance. C’est ainsi que je reconnaîtrai, avec empressement et allégresse, que tu auras fait un premier pas vers le repentir. » Quand notre héros entendit cette harangue, empreinte d’un sel si profondément comique, il eut de la peine à conserver le sérieux sur la rudesse de ses traits hâlés. Mais, enfin, chacun ne sera pas étonné si j’ajoute qu’il finit par éclater de rire. C’était plus fort que lui ! Il n’y mettait pas de la mauvaise intention ! Il ne voulait certes pas s’attirer les reproches du crabe tourteau ! Que d’efforts ne fit-il pas pour chasser l’hilarité ! Que