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d’hésitation. Elle se dit qu’il n’est pas temps encore de cesser de torturer, et qu’il faut auparavant donner au condamné les plausibles raisons qui déterminèrent la perpétualité du supplice. Elle a grimpé à côté de l’oreille de l’endormi. Si vous voulez ne pas perdre une seule parole de ce qu’elle va dire, faites abstraction des occupations étrangères qui obstruent le portique de votre esprit, et soyez, au moins, reconnaissant de l’intérêt que je vous porte, en faisant assister votre présence aux scènes théâtrales qui me paraissent dignes d’exciter une véritable attention de votre part ; car, qui m’empêcherait de garder, pour moi seul, les événements que je raconte ? « Réveille-toi, flamme amoureuse des anciens jours, squelette décharné. Le temps est venu d’arrêter la main de la justice. Nous ne te ferons pas attendre longtemps l’explication que tu souhaites. Tu nous écoutes, n’est-ce pas ? Mais ne remue pas tes membres ; tu es encore aujourd’hui sous notre magnétique pouvoir, et l’atonie encéphalique persiste : c’est pour la dernière fois. Quelle impression la figure d’Elsseneur fait-elle dans ton imagination ? Tu l’as oublié ! Et ce Réginald, à la démarche fière, as tu gravé ses traits dans ton cerveau fidèle ? Regarde-le caché dans les replis des rideaux ; sa bouche est penchée vers ton front ; mais il n’ose te parler, car il est plus timide que moi. Je vais te raconter un épisode de ta jeunesse, et te remettre dans le chemin de la mémoire… »