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plus d’une fois courir à travers les prairies verdoyantes, et plonger la sueur de ses membres dans les bleuâtres vagues des golfes arénacés. D’abord, la vie parut lui sourire sans arrière-pensée ; et, magnifiquement, le couronna de fleurs ; mais, puisque votre intelligence elle-même s’aperçoit ou plutôt devine qu’il s’est arrêté aux limites de l’enfance, je n’ai pas besoin, jusqu’à l’apparition d’une rétractation véritablement nécessaire, de continuer les prolégomènes de ma rigoureuse démonstration. Dix ans. Nombre exactement calqué, à s’y méprendre, sur celui des doigts de la main. C’est peu et c’est beaucoup. Dans le cas qui nous préoccupe, cependant, je m’appuierai sur votre amour envers la vérité, pour que vous prononciez, avec moi, sans tarder une seconde de plus, que c’est peu. Et, quand je réfléchis sommairement à ces ténébreux mystères, par lesquels, un être humain disparaît de la terre, aussi facilement qu’une mouche ou une libellule, sans conserver l’espérance d’y revenir, je me surprends à couver le vif regret de ne pas probablement pouvoir vivre assez longtemps, pour vous bien expliquer ce que je n’ai pas la prétention de comprendre moi-même. Mais, puisqu’il est prouvé que, par un hasard extraordinaire, je n’ai pas encore perdu la vie depuis ce temps lointain où je commençai, plein de terreur, la phrase précédente, je calcule mentalement qu’il ne sera pas inutile ici, de construire l’aveu complet de