Page:Lautreamont - Chants de Maldoror.djvu/244

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’une fureur qui ne connaissait plus de bornes ; car, il frotta redoutablement ses cuisses postérieures contre le bord des élytres, en faisant entendre un bruit aigu : « Qui es-tu, donc, toi ; être pusillanime ? Il paraît que tu as oublié certains développements étranges des temps passés ; tu ne les retiens pas dans ta mémoire, mon frère. Cette femme nous a trahis, l’un après l’autre. Toi le premier, moi le second. Il me semble que cette injure ne doit pas (ne doit pas !) disparaître du souvenir si facilement. Si facilement ! Toi, ta nature magnanime te permet de pardonner. Mais, sais-tu si, malgré la situation anormale des atomes de cette femme, réduite à pâte de pétrin (il n’est pas maintenant question de savoir si l’on ne croirait pas, à la première investigation, que ce corps ait été augmenté d’une quantité notable de densité plutôt par l’engrenage de deux fortes roues que par les effets de ma passion fougueuse), elle n’existe pas encore ? Tais-toi, et permets que je me venge. » Il reprit son manège, et s’éloigna, la boule poussée devant lui. Quand il se fut éloigné, le pélican s’écria : « Cette femme, par son pouvoir magique, m’a donné une tête de palmipède, et a changé mon frère en scarabée : peut-être qu’elle mérite même de pires traitements que ceux que je viens d’énumérer. » Et moi, qui n’étais pas certain de ne pas rêver, devinant, par ce que j’avais entendu, la nature des relations hostiles qui unissaient, au-dessus de moi, dans un combat