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proie, qui attendent que nous nous éloignions, pour commencer ce repas géant ; il en vient un nuage perpétuel des quatre coins de l’horizon. Hélas ! ils étaient déjà venus, puisque je vis leurs ailes rapaces tracer, au-dessus de toi, le monument des spirales, comme pour t’exciter de hâter le crime. Ton odorat ne reçoit-il donc pas la moindre effluve ? L’imposteur n’est pas autre chose… Tes nerfs olfactifs sont enfin ébranlés par la perception d’atomes aromatiques : ceux-ci s’élèvent de la cité anéantie, quoique je n’aie pas besoin de te l’apprendre… Je voudrais embrasser tes pieds, mais mes bras n’entrelacent qu’une transparente vapeur. Cherchons ce corps introuvable, que cependant mes yeux aperçoivent : il mérite, de ma part, les marques les plus nombreuses d’une admiration sincère. Le fantôme se moque de moi : il m’aide à chercher son propre corps. Si je lui fais signe de rester à sa place, voilà qu’il me renvoie le même signe… Le secret est découvert ; mais, ce n’est pas, je le dis avec franchise, à ma plus grande satisfaction. Tout est expliqué, les grands comme les plus petits détails ; ceux-ci sont indifférents à remettre devant l’esprit, comme, par exemple, l’arrachement des yeux à la femme blonde : cela n’est presque rien !… Ne me rappelais-je donc pas que, moi, aussi, j’avais été scalpé, quoique ce ne fût que pendant cinq ans (le nombre exact du temps m’avait failli) que j’avais enfermé un être humain