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de stupéfaction qui résulta de leur expérience, quand elles s’aperçurent que rien n’était changé dans ces lieux : le dénoûment de la mort, conforme à leurs vœux, n’était pas survenu. Elles n’avaient pas daigné lever la tête, pour savoir si la mortadelle était encore à la même place. L’une dit : « Est-ce possible que tu sois encore respirant ? Tu as la vie dure, mon mari bien-aimé. » Comme quand deux chantres, dans une cathédrale, entonnent alternativement les versets d’un psaume, la deuxième répondit : « Tu ne veux donc pas mourir, ô mon gracieux fils ? Dis-moi donc comment tu as fait (sûrement c’est par quelque maléfice) pour épouvanter les vautours ? En effet, ta carcasse est devenue si maigre ! Le zéphyr la balance comme une lanterne. » Chacune prit un pinceau et goudronna le corps du pendu… chacune prit un fouet et leva les bras… J’admirais (il était absolument impossible de ne pas faire comme moi) avec quelle exactitude énergique les lames de métal, au lieu de glisser à la surface, comme quand on se bat contre un nègre et qu’on fait des efforts inutiles, propres au cauchemar, pour l’empoigner aux cheveux, s’appliquaient, grâce au goudron, jusqu’à l’intérieur des chairs, marquées par des sillons aussi creux que l’empêchement des os pouvait raisonnablement le permettre. Je me suis préservé de la tentation de trouver de la volupté dans ce spectacle excessivement curieux, mais moins profondément