Page:Lautreamont - Chants de Maldoror.djvu/157

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le chien n’ignorait pas que, s’il désobéissait à son maître, un couteau lancé de dessous une manche, ouvrirait brusquement ses entrailles, sans crier gare. Maldoror (comme ce nom répugne à prononcer !) entendait les agonies de la douleur, et s’étonnait que la victime eût la vie si dure, pour ne pas être encore morte. Il s’approche de l’autel sacrificatoire, et voit la conduite de son bouledogue, livré à de bas penchants, et qui élevait sa tête au-dessus de la jeune fille, comme un naufragé élève la sienne, au-dessus des vagues en courroux. Il lui donne un coup de pied et lui fend un œil. Le bouledogue, en colère, s’enfuit dans la campagne, entraînant après lui, pendant un espace de route qui est toujours trop long, pour si court qu’il fût, le corps de la jeune fille suspendue, qui n’a été dégagé que grâce aux mouvements saccadés de la fuite ; mais, il craint d’attaquer son maître, qui ne le reverra plus. Celui-ci tire de sa poche un canif américain, composé de dix à douze lames qui servent à divers usages. Il ouvre les pattes anguleuses de cet hydre d’acier ; et, muni d’un pareil scalpel, voyant que le gazon n’avait pas encore disparu sous la couleur de tant de sang versé, s’apprête, sans pâlir, à fouiller courageusement le vagin de la malheureuse enfant. De ce trou élargi, il retire successivement les organes intérieurs ; les boyaux, les poumons, le foie et enfin le cœur lui-