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ma maison, cette femme, à coups de fouet, et je ne la revis plus. J’ai gardé sa tête en souvenir de ma victoire… Une tête à la main, dont je rongeais le crâne, je me suis tenu sur un pied, comme le héron, au bord du précipice creusé dans les flancs de la montagne. On m’a vu descendre dans la vallée, pendant que la peau de ma poitrine était immobile et calme, comme le couvercle d’une tombe ! Une tête à la main, dont je rongeais le crâne, j’ai nagé dans les gouffres les plus dangereux, longé les écueils mortels, et plongé plus bas que les courants, pour assister, comme un étranger, aux combats des monstres marins ; je me suis écarté du rivage, jusqu’à le perdre de ma vue perçante ; et, les crampes hideuses, avec leur magnétisme paralysant, rôdaient autour de mes membres, qui fendaient les vagues avec des mouvements robustes, sans oser approcher. On m’a vu revenir, sain et sauf, dans la plage, pendant que la peau de ma poitrine était immobile et calme, comme le couvercle d’une tombe ! Une tête à la main, dont je rongeais le crâne, j’ai franchi les marches ascendantes d’une tour élevée. Je suis parvenu, les jambes lasses, sur la plate-forme vertigineuse. J’ai regardé la campagne, la mer ; j’ai regardé le soleil, le firmament ; repoussant du pied le granit qui ne recula pas, j’ai défié la mort et la vengeance divine par une huée suprême, et me suis précipité, comme un pavé, dans la bouche de l’espace. Les hommes