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pas souvent. Il reconnaît la forme de la lampe ; il reconnaît la forme de l’ange ; mais, il ne peut pas les scinder dans son esprit ; en effet, dans la réalité, elles sont collées l’une dans l’autre, et ne forment qu’un corps indépendant et libre ; mais, lui croit que quelque nuage a voilé ses yeux, et lui a fait perdre un peu de l’excellence de sa vue. Néanmoins, il se prépare à la lutte avec courage, car son adversaire n’a pas peur. Les gens naïfs racontent, à ceux qui veulent les croire, que le portail sacré se referma de lui-même, en roulant sur ses gonds affligés, pour que personne ne pût assister à cette lutte impie, dont les péripéties allaient se dérouler dans l’enceinte du sanctuaire violé. L’homme au manteau, pendant qu’il reçoit des blessures cruelles avec un glaive invisible, s’efforce de rapprocher de sa bouche la figure de l’ange ; il ne pense qu’à cela, et tous ses efforts se portent vers ce but. Celui-ci perd son énergie, et paraît pressentir sa destinée. Il ne lutte plus que faiblement, et l’on voit le moment où son adversaire pourra l’embrasser à son aise, si c’est ce qu’il veut faire. Eh bien, le moment est venu. Avec ses muscles, il étrangle la gorge de l’ange, qui ne peut plus respirer, et lui renverse le visage, en l’appuyant sur sa poitrine odieuse. Il est un instant touché du sort qui attend cet être céleste, dont il aurait volontiers fait son ami. Mais, il se dit que c’est l’envoyé du Seigneur, et il ne peut pas retenir son courroux. C’en