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nuisible. Là, je te permettrai de briller autant qu’il me sera agréable ; là, tu me nargueras avec un sourire inextinguible ; là, convaincue de l’incapacité de ton huile criminelle, tu l’urineras avec amertume. » Après avoir parlé ainsi, Maldoror ne sort pas du temple, et reste les yeux fixés sur la lampe du saint lieu… Il croit voir une espèce de provocation, dans l’attitude de cette lampe, qui l’irrite au plus haut degré, par sa présence inopportune. Il se dit que, si quelque âme est renfermée dans cette lampe, elle est lâche de ne pas répondre, à une attaque loyale, par la sincérité. Il bat l’air de ses bras nerveux et souhaiterait que la lampe se transformât en homme ; il lui ferait passer un mauvais quart d’heure, il se le promet. Mais, le moyen qu’une lampe se change en homme ; ce n’est pas naturel. Il ne se résigne pas, et va chercher, sur le parvis de la misérable pagode, un caillou plat, à tranchant effilé. Il le lance en l’air avec force… la chaîne est coupée, par le milieu, comme l’herbe par la faux, et l’instrument du culte tombe à terre, en répandant son huile sur les dalles… Il saisit la lampe pour la porter dehors, mais elle résiste et grandit. Il lui semble voir des ailes sur ses flancs, et la partie supérieure revêt la forme d’un buste d’ange. Le tout veut s’élever en l’air pour prendre son essor ; mais il le retient d’une main ferme. Une lampe et un ange qui forment un même corps, voilà ce que l’on ne voit