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cathédrales, et cherchent la raison de cette suspension. On dit que tes lueurs éclairent, pendant la nuit, la tourbe de ceux qui viennent adorer le Tout-Puissant et que tu montres aux repentis le chemin qui mène à l’autel. Écoute, c’est fort possible ; mais… est-ce que tu as besoin de rendre de pareils services à ceux auxquels tu ne dois rien ? Laisse, plongées dans les ténèbres, les colonnes des basiliques ; et, lorsqu’une bouffée de la tempête sur laquelle le démon tourbillonne, emporté dans l’espace, pénétrera, avec lui, dans le saint lieu, en y répandant l’effroi, au lieu de lutter, courageusement, contre la rafale empestée du prince du mal, éteins-toi subitement, sous son souffle fiévreux, pour qu’il puisse, sans qu’on le voie, choisir ses victimes parmi les croyants agenouillés. Si tu fais cela, tu peux dire que je te devrai tout mon bonheur. Quand tu reluis ainsi, en répandant tes clartés indécises, mais suffisantes, je n’ose pas me livrer aux suggestions de mon caractère, et je reste, sous le portique sacré, en regardant par le portail entr’ouvert, ceux qui échappent à ma vengeance, dans le sein du Seigneur. Ô lampe poétique ! toi qui serais mon amie si tu pouvais me comprendre, quand mes pieds foulent le basalte des églises, dans les heures nocturnes, pourquoi te mets-tu à briller d’une manière qui, je l’avoue, me parait extraordinaire ? Tes reflets se colorent, alors,