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L’ÉCRIN DU RUBIS

Je dirai presque qu’elle mettait une espèce de coquetterie à la laisser deviner et peut-être quelque vice à s’y laisser surprendre. Sa passion ne lui paraissait point, en effet, une de ces coupables faiblesses dont on ne déguste les joies qu’avec les remords d’une chose réprouvée. Elle y voyait la preuve d’un goût plus délicat, d’un sens plus élevé de la beauté, et s’y livrait avec toutes les justifications tirées d’une culture raffinée et d’exemples célèbres qui lui confirmaient, par la qualité morale des pécheresses, la vérité de son esthétique de l’amour. Si bien que tout en ayant à mon égard les retenues nécessaires, elle n’enferma point mon éducation dans les préjugés d’immodestie ou d’indécence qui s’attachent aux soins du corps et à l’éveil des premières curiosités. Elle m’éleva au contraire dans un constant souci de la perfection corporelle, me faisant, du spectacle de son admirable beauté, de sa toilette si minutieusement étudiée et du luxe de sa parure intime, une leçon de tous les jours.

Tous mes souvenirs de ce temps, où la liberté était laissée à ma curiosité, où les spectacles qu’était pour moi le rituel compliqué de la toilette de ma mère et surtout ceux dont je jouissais par surprise, multipliaient les enseignements de la volupté ; tous ces souvenirs ne me répètent que troublantes visions de coins de chair tapis dans des nids de dentelles, que fouillis de fine batiste en cascades de plissés, de ruchés ou de volants