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L’ÉCRIN DU RUBIS

magistrat confessant à son ami, Tallemant des Réaux, une prédilection qui est très commune. Goethe aussi connut la jouissance que peut donner le soulier d’une femme aimée. Rétif, lui, subit l’envoûtement de tous les pieds bien falbalisés et à talons hauts qui trottaient devant lui, dans la rue. De les voir le jette en des émois incroyables et immanquablement excite le désir en lui. Ses courses dans Paris sont autant de chasses aux jolies chaussures ; il consigne avec bonheur dans ses tablettes quotidiennes, épinglé à côté de la notation précise du soulier qui lui a tourné la tête, le souvenir ou le nom de celle qui en était chaussée. Il ne résiste pas à la tentation d’en dérober et ce goût est en lui si puissant, il s’est fait, ainsi qu’il le dit, une telle accoutumance à considérer l’enveloppe comme la chose elle-même, que la vue ou le toucher lui est une accointance qui parfois le mène au plaisir. « Sem. ej. videns la belle Maris à la jolie jambe », note-t-il dans ses Inscriptions, à la date du 23 juillet 1786. Et sous celle du Ier octobre suivant : « Vu en sortant la jolie Maris, rue Saint-André, chaussée en noir, mise en blanc, jambe voluptueuse ; puis un joli pied, rue Saint-Hyacinthe, puis la Richer, haut talon : bis emiss. » — On ne peut être plus clair en latin. Il ne le fut pas moins sans cette précaution, pour conter l’égarement où il fut entraîné certain jour que sa chère Colette Parangon, — Mme Fournier — venait de quitter devant lui une paire de souliers roses à languettes, bordure et talons