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L’ÉCRIN DU RUBIS

quées de ces livres qu’on tient d’une main tandis que de l’autre nous nous faisons un doigt de cour, comme disait plaisamment Duclos.

Le Carnaval de Venise qui me permit d’en varier l’émoi à travers les mille fantaisies du travesti, me fit un enchantement inoubliable de la perversité du plaisir égoïste. Jamais le péché de mollesse ne m’entraîna en de telles extases. Jamais, comme dans la fièvre érotique de ces huit semaines de bals masqués, de redoutes et de veglioni, où je me jetai à corps perdu, mon imagination sensuelle ne se roula dans de plus âpres félicités. Ce fut pour moi, chaque nuit, à travers la saturnale des danses, la folle mêlée des corps en des relents de champagne et de wisky, la griserie capiteuse d’essences de tubéreuse et de syringa surchauffées par la moiteur des chairs, le fouet terrible des goussets d’échalotte ou de valériane ammoniacée qu’on suit à la trace, piqués d’ambre gris chez les blondes, d’acide prussique chez les brunes, la privauté obstinée des accointances de cuisses et de fesses allumées par le choc impétueux des ruts, l’anonymat du loup de dentelle couvrant toutes les audaces et masquant le ravissement des pudeurs outragées ; ce fut une course éperdue, hurlante de mon désir inclinant tous mes sens sous les splendeurs du ruissellement des