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défendit pendant quarante ans à la tribune et dans la presse, dénonça l’arbitraire dans ses causes les plus profondes comme dans les détails de son application.

« L’arbitraire, écrit-il, se glisse sous différents noms dans toutes les formes de gouvernement : il se prévaut de toutes les apparences de danger ; il s’autorise de toutes les frayeurs du peuple ; il profite surtout de l’indolence des gouvernants[1]. »

Par les qualités de son esprit et par sa nature même, Benjamin Constant était désigné mieux qu’un autre pour présenter une définition précise et une défense habile des droits individuels. Il tenait à son indépendance jusqu’à désirer l’isolement et nous le voyons toujours tel qu’il nous a peint Adolphe, avec « une grande impatience des liens dont il est environné, une terreur invincible d’en former de nouveaux ».

La passion de la liberté lui en donna l’intelligence, et si souvent il ne trouva pas dans son caractère une force suffisante pour affranchir sa volonté, jamais pensée ne fut plus libre que la sienne. Sa vie se passa tout entière à comprendre, à désirer, à juger les autres et lui-même. Ses projets réclamaient un champ largement ouvert et il souffrait personnellement de toute barrière mise à l’action

  1. B. Constant, Discours prononcé au Cercle constitutionnel le 9 ventôse an IV. Moniteur du 21 ventôse an IV.