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quantité nécessaire pour dissoudre des utopies, tout en respectant une activité généreuse. Des organisateurs illuminés flattaient les citoyens et, leur prêtant à tous une raison éclairée et des sentiments nobles, projetaient des institutions sans garanties expresses pour les droits de la personne contre une volonté générale réputée infaillible. Ils s’appuyaient de l’autorité de Jean-Jacques Rousseau et s’aidaient de son éloquence. Les hommes, à cette époque, ne méritaient point une telle confiance. Il fallait les accepter comme ils étaient, assurer leurs droits par de nombreuses garanties dans leur intérêt propre, et dans l’intérêt de l’affranchissement progressif des esprits et des caractères, sous un régime libéral et stable. La liberté, qui demande « toujours des citoyens et quelquefois des héros[1] », s’appuie sur le principe de l’évolution indéfinie des peuples vers une justice mieux comprise et mieux appliquée. La somme des forces de progrès est supérieure à celle des forces de réaction ; mais il. faut, pour conserver la paix sociale, écarter tout obstacle à la diffusion des lumières et à l’action des sentiments.

Benjamin Constant offre le type le plus accompli d’un ami passionné et éclairé de la liberté. Il la

  1. B. Constant, De la Religion. Préface.