d’un sang plus vif et rajeuni. C’est « la lune de miel », ainsi que veut bien (après nous) dire le professeur Brouardel (Opium, Morphine et Cocaïne, J.-B. Baillière, éditeur). Dans cette période élévatoire, dans la crise initiale que provoque l’usage du terrible excitant, les idées affluent, les œuvres s’ébauchent, la parole surabonde, l’ivresse emporte l’hésitation et la timidité. La mémoire se colore et s’amplifie. Une eurythmie clairvoyante harmonise la pensée. Les chagrins sont en fuite et les sens abolis. Dans la plénitude heureuse de sa force et de sa joie, l’homme se sent devenir dieu.
Cette béatitude n’a rien de turbulent. La joie un peu vulgaire et communicative que déchaîne, après boire, l’usage des liqueurs fermentées ne ressemble en aucune façon au recueillement voluptueux suggéré par la morphine. Elle exalte au plus haut point l’opinion favorable que le sujet a de lui-même. Exempt des servitudes physiques, réduit à l’état de pur esprit, il contemple avec une dédaigneuse indulgence les espèces