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Il se dégage de ces quatrains une mélancolie très douce et très pénétrante.

Arthur Rimbaud, si souvent obscur, a cependant écrit quelques belles strophes. Écoutez ceci :

Seigneur, quand froide est la prairie,
Quand dans les hameaux abattus,
Les longs Angélus se sont tus,
Sur la nature défleurie
Faites s’abattre des grands cieux
Les chers corbeaux délicieux.

Armée étrange aux cris sévères,
Les vents froids attaquent vos nids.
Vous, le long des fleuves jaunis,
Sur les routes aux vieux calvaires,
Sur les fossés et sur les trous
Dispersez-vous, ralliez-vous !

Par milliers, sur les champs de France,
Où dorment des morts d’avant-hier,
Tournoyez, n’est-ce pas l’hiver,
Pour que chaque passant repense !
Sois donc le crieur du devoir,
O notre funèbre oiseau noir !

On ne saurait toucher avec plus de bonheur et surtout plus de sentiment la note triste. Cela n’est ni de la pose ni de la recherche. M. Arthur Rimbaud devait être immensément, inconsolablement triste quand il a écrit ces vers.

Voici quelque chose de plus étrange et de plus poignant encore peut-être, une sorte de monologue d’un mysticisme et d’un réalisme