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ont des élans superbes, des cris inattendus, des émois poignants. Et leurs poésies sont empreintes d’une saveur toute particulière. Ce ne sont plus les robustes et saines fleurs des époques classiques ; mais ces fleurs pâlottes, morbides, souffreteuses, ont je ne sais quel parfum exquis et tout particulier. Elles ont la grâce et la fraîcheur des pauvres petites fleurettes qui poussent, isolées, malingres, toutes frileuses, dans les déserts de lave de l’Islande.

Vous connaissez la ballade de tristesse de Paul Verlaine :

Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville.
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur ?

O bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un cœur qui s’ennuie
O le chant de la pluie !

Il pleure sans raison
Dans ce cœur qui s’écœure.
Quoi ! nulle trahison ?
Ce deuil est sans raison.

C’est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi,
Sans amour et sans haine,
Mon cœur a tant de peine.