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Sans un fil pour soutien, tournant, tournant sans cesse
Quelle chute et quel choc !… ô ciel, quelle détresse !…
Ne voir que l’étendue, que l’abîme insondable,
Que le néant sans cieux, c’était inénarrable.
Un univers sans âme, aussi large et profond
Qu’on ne peut l’exprimer puisqu’il était sans fond !…

Ailleurs elle décrit : L’abîme cahotant.

L’abîme cahotant est un mont fait de rocs.
On le gravit courant, heurté de roc en roc,
Debout sur un trapèze auquel sont adaptées
Deux roues ne fonctionnant qu’en étant cahotées.
Le choc est permanent, mécanique, infernal ;
Résonnant sur le cœur comme le timbre du mal ;
La commotion ressemble à la pince tenaille,
Déchirant violemment, comme fait la mitraille,
Les fibres et les nerfs suppliciés sans cesse.
Or, ce tourment s’accroit par une vue qui blesse.
C’est celle d’un dragon, sorte de monstre ailé,
Qui fougueux vous emporte à ce char attelé …
Il monte et puis descend en bondissant, rapide,
Sur ce mont suspendu dressé parmi le vide.
Cette course insensée ne peut se ralentir,
Car un funèbre glas hurle le mot : partir !…
Partir !… Ah oui, partir !… sans s’arrêter jamais.
Recommencer sans fin ce sujet à jamais !

En proie à des conceptions mystiques et à des idées de persécution, Honorine Mercier était depuis son enfance dans un délire perpétuel.