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sublimes sentiments. Que ma présence trouble vos cœurs du plus profond sentiment de respect. »

Si on veut juger du degré d’instruction de cet homme, on n’a qu’à examiner sa façon d’orthographier. En voici un échantillon :

« Homme dans se monde isi ba, vous qui jeté o ven les remorre de la vie, vous qui blasephaizmé votre rédemnteur o momen qu’il veu revenir à vous, que de çacrifise ne faige pas pour vous, ingra que vous aite. »

J’ai bien souvent rêvé à ce jardinier dont le cerveau s’était subitement illuminé, à ce prophète qui n’avait jamais lu que le Petit Journal et dont les idées n’avaient guère dépassé le mur de son jardin. Plus tard tout cela s’est effondre dans la nuit de la démence.

Honorine Mercier, la sœur d’Euphrasie Mercier, l’héroïne du crime de Villemonble, a écrit des poésies absolument surprenantes puisqu’elles ne lisait jamais et qu’elle n’avait reçu aucune instruction. Voici un passage emprunté à sa poésie : Le monde des abîmes.

À terre je gisais, foudroyée, éperdue …
Puis … le sol s’entr’ouvrant me lança dans la nue !
Que vois-je ! oh ! quel effroi !… quel océan d’espace !
Quoi ?… mon corps s’agitait suspendu dans l’espace !
Lequel précipité dans un vide infini,
Me parut un ballon tournant dans l’infini.