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C’est en vain qu’au Parnasse un téméraire auteur
Pense de l’art des vers atteindre la hauteur ;
S’il ne sent point du ciel l’influence secrète,
Si son astre en naissant ne l’a pas formé poète,
Dans son génie étroit il est toujours captif,
Pour lui Phébus est sourd et Pégase est rétif.

Tel ce pauvre jardinier, absolument illettré, fils et petit-fils d’aliénés, dont je vous ai déjà parlé. Il se croyait le fils de Dieu et se disait envoyé sur la terre pour tenter une rédemption nouvelle. Il était le frère et le successeur de Jésus-Christ. Eh bien, cet homme qui savait à peine écrire, qui ne fréquentait point les églises, qui n’avait jamais lu la Bible ni aucun livre sacré, racontait ses visions dans un langage qui étonnait dans une pareille bouche. Il me remit un jour une sorte de résumé de sa doctrine qu’il avait intitulé : « Paroles de Dieu par la bouche d’un ignorant. » En voici quelques passages qui, malgré leur exagération imagée, ont une tournure presque biblique :

« Hommes, dans ce monde ici-bas, vous qui jetez au vent les remords de la vie, vous qui blasphémez votre Rédempteur au moment qu’il veut revenir à vous, que de sacrifices ne fais-je pas pour vous, ingrats que vous êtes ! Si je voulais, je vous écraserais du haut des cieux. Vous qui cherchez dans l’obscurité la lumière éternelle, les flambeaux de la vie, les remords des hommes, le royaume des cieux et le bonheur de l’avenir,